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Animer la diversité d’une équipe : muter vers une vision de « richesse humaine »

Date Field 01.08.2023
Résumé Cédric a fait une contirbution au sein de l'ouvrage de Pierre Cacoub " L'entreprise, cet organisme vivant"
Billet Les consciences se sont éveillées et l’entreprise fait face aujourd’hui à une profonde mutation. La vision et le sens que l’entreprise donne à son action doivent désormais tenir compte de son impact écologique et social. Pour les nouvelles générations, le management traditionnel et sa hiérarchie pyramidale doivent céder leur place à une tout autre équation pour définir le rapport au travail : un leadership porteur de sens et des ressources compétentes au service d’un projet motivant. Ce livre pousse à la réflexion, aiguise la sensibilité et propose des pistes en interrogeant la posture de leader éveillé. Ici, il n’est question ni de méthode, ni d’outils, mais d’âme… au cœur de cet organisme vivant qu’est l’entreprise.


J'ai pu contribuer à cet ouvrage piloté par Pierre Cacoub sous l'angle de la coopération de nos diversités à l'intérieur des groupes et d'un projet.





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Leadership et diversitÉ

de Cédric Jolivet


Animer la diversité d’une équipe : muter vers une vision de « richesse humaine »

Militant d’éducation populaire et acteur de la transition, j’ai fréquemment eu l’occasion d’accompagner des équipes au sein de projets associatifs et de projets d’économie sociale et solidaire. Si l’ambition de placer l’humain et la coopération au cœur du changement sociétal y est bien affiché, l’incarnation de ces valeurs parait être un défi du quotidien.

J’avais 25 ans et j’étais alors administrateur de l’antenne départementale d’une fédération d’éducation populaire en pleine tension salariale. Je me rappelle avoir entendu le président déclarer : « Je ne vois pas pourquoi nous, acteurs de l’éducation populaire, devrions être de meilleurs employeurs que d’autres ? ». Manque d’ambition, aveu d’échec, impasse ? Comment prendre soin du fameux PFH (Putain de Facteur Humain, à transformer en Précieux Facteur Humain) ?

Au-delà de l’incarnation de nos valeurs, un des enjeux principaux que j’accompagne est l’accueil et la culture de la diversité au sein des équipes. Inspiré de la permaculture humaine et des approches systémiques, voici quelques clés utiles pour animer un collectif sur le thème de la diversité.

1. Reconnaître d’où je parle
ou observer l’humus et ses racines

Pourquoi ? Cette étape permet de reconnaître sa diversité intérieure. Il est important d’identifier d’où on parle pour percevoir et entrevoir les effets visibles et invisibles de sa place dans le groupe.

Comment ? 1) Identifier ses racines : sa culture professionnelle, ses expériences de vie, ses compétences, ses influences culturelles, son genre, son âge, son environnement, son rapport à la norme, ses habiletés, etc. 2) Reconnaître les impacts systémiques de qui on est au sein du groupe (l’humus > humilité), comme les rapports de genre, de classe sociale, de génération, de culture professionnelle, etc. — Exemple : si on est l’unique homme ou femme de l’équipe, le prendre en compte et l’aborder éventuellement au sein du collectif, d’autant plus si on y occupe une fonction spécifique. Le but de cette réflexion est d’élargir la conscience de sa place dans le groupe.

2. Composer l’équipe
ou observer le terreau et semer la graine d’un collectif

Pourquoi ? Cette étape dépend du contexte. Toutefois, le fait que le collectif soit « posé » ou « imposé » participe de l’histoire même du groupe et constitue un terreau plus ou moins favorable au bon fonctionnement de l’équipe.

Comment ? À partir de l’étape précédente, travailler la diversité des profils de l’équipe en recherchant une pluralité par rapport à son propre profil. Dans le cas où l’équipe est imposée, un travail approfondi sur l’identification du tandem unité-diversité du groupe est encore plus essentiel (voir étape suivante). — Exemple : dans un mouvement national porté par les citoyens, il est important d’aller chercher des profils autant urbains que ruraux. Cela permet d’éviter les angles morts dans le pilotage de l’action, comme le rapport à la mobilité, au territoire, etc.

3. Donner à voir les singularités au sein du groupe
ou identifier le réseau racinaire et faire monter la sève

Pourquoi ? Cette étape permet de définir ce qui fait racine dans le groupe, à partir du sens et de la raison d’être pour chacun. En reliant les individualités autour de ce qui fait sens pour l’ensemble, l’addition des « je » se transforme en un « nous » : c’est le début d’un nouveau récit à la fois individuel et collectif.

Comment ? Identifier et partager collectivement sur la place de chacun, ses apports et ses vulnérabilités. Cela génère un terreau favorable à la vie d’un groupe engagé, motivé et connecté à la raison d’être du projet. Si les motivations individuelles diffèrent, elles peuvent parfaitement s’articuler dans un projet commun. Au quotidien, cela peut influencer le regard porté sur l’évolution du projet. — Exemple : dans une coopérative de livraison à vélo, les motivations des coursiers fondateurs sont diverses : certains veulent contribuer au projet pour son engagement écologique, d’autres sont enthousiastes à l’idée de développer un contre-modèle social à Uber et Deliveroo, d’autres sont passionnés par le vélo et souhaitent ralentir dans une société qui prône le « toujours plus vite ».

4. Accompagner l’évolution du collectif et du projet
ou le temps de la pousse, de l’éclosion et des saisons

Pourquoi ? Tout évolue, c’est le propre de ce qui est vivant. Si un projet est vivant, une équipe l’est également : il y aura des arrivées et des départs. Prendre soin de cet organisme vivant nécessite attention, vigilance et allers-retours entre les étapes précédentes (ré-observer l’évolution du réseau racinaire, la composition du terrain d’action, l’adéquation entre les actions et la raison d’être).

Comment ? L’accueil de nouveaux membres et le départ de certains redistribue sans cesse les cartes. La vie d’une équipe est comme la succession des saisons : c’est un mouvement perpétuel qu’il est nécessaire d’accompagner par des temps « méta ». Les individus d’un groupe étant aussi en évolution, cela fait évoluer la place de chacun dans le groupe. D’où la nécessité de ne pas cantonner une personne à un seul rôle ou une place bien définie. – Exemple : lors d’un atelier, les membres d’une équipe ont échangé sur leur vision des bienfaits de la diversité au sein d’un collectif : confiance, créativité, intelligence du groupe, renforcement du dialogue, bien-être, justesse de l’engagement, affirmation de soi, solidarité et partage sincère.

5. Zoom sur l’« espace de tension »

Bâtir et accompagner un collectif de la diversité est un exercice complexe qui se construit dans le temps. Ce collectif peut s’effondrer, parfois rapidement. C’est pourquoi un collectif doit être en capacité d’accueillir ses tensions internes. Il en va de sa maturité : il doit pouvoir identifier les nœuds au sein du groupe et les envisager avec clarté et lucidité. Cet espace de dialogue peut prendre différentes formes : cercles restauratifs, feedback, atelier 360°, baromètres d’équipe… Ces moments de partage permettent de dépasser les incompréhensions et facilitent des ajustements et modifications du cadre nécessaires.

Cédric Jolivet est responsable associatif, animateur de collectifs vivants et mortels.
Groupe de cases à cocher
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